Pour sauver l’assurance maladie, ce n’est pas l’argent des mutuelles qu’il faut confisquer, ce sont leurs méthodes de gestion qu’il faut emprunter.

Mais pourquoi, au nom de la solidarité, continuer de financer la prise en charge de malades (ou de personnes infectées) qui se sont mises volontairement en situation de risque? Est-ce que la collectivité doit payer pour les irresponsables ?
La question du risque santé est au centre du débat qui préparera la réforme de la Sécurité sociale.
Face au risque de saturation des hôpitaux par l'arrivée d’une cinquième vague de malades du Covid - malades qui, pour l’essentiel, ne sont pas vaccinés - l’idée a germé, au sein du ministère de la Santé, de refuser la prise en charge de ses malades particuliers.
Pourquoi ? Tout simplement parce que la collectivité n’a pas à payer pour tous ceux qui sont tombés malades parce qu’ils ont refusé la vaccination. Une rapide enquête-sondage auprès de la population révélait même qu’une forte majorité considérait le projet comme intelligent et légitime.
Les assurés sociaux acceptent de payer pour financer la solidarité, sauf si certains se mettent en dehors du cadre fixe. Il faudra bien un jour que chacun prenne ses responsabilités. Que la solidarité fonctionne pour venir en aide à ceux qui sont touchés par la maladie ou l’infection, évidemment ! Mais au nom de quel principe faudrait-il payer pour tous ceux qui, par idéologie, se mettent volontairement en risque d’être malade ? Quant au corps médical, il accepte mal d’avoir à soigner des malades qui se sont mis seuls en difficultés et qui ont refusé les consignes. Et cela, même si leur vocation est de soigner tout le monde sans distinction d’aucune sorte.
Cette idée est intéressante mais elle a été jugée trop technocratique et susceptible de provoquer une bronca chez tous ceux qui ont fait campagne, notamment, contre la vaccination ou le test sanitaire.
On ne la retiendra donc pas maintenant mais elle ne mourra pas pour autant. Elle est au centre du débat sur la sécurité sociale dont on prépare une réforme pour la sauver.
Cette réforme soulève moult questions, à commencer par savoir s’il faut sauver la Sécurité sociale telle qu’elle est ou pas.
Si oui, et c’est l’opinion de la grande majorité des Français, est-ce qu'on augmente les cotisations et qui les paie? Les salariés ou les entreprises?
Ou bien : est-ce qu’on réduit les dépenses maladie, et si oui lesquelles et comment va-t-on être obligés de trier les malades?
Le pouvoir politique est absolument incapable de trancher ce débat, surtout à quelques heures de la campagne présidentielle et alors que le Covid 19 n’a pas dit son dernier mot en préparant la 5ème vague.
Les experts chargés de tracer des pistes de réformes tricotent une autre idée plus structurelle. La couverture médicale étant assurée en France par l’assurance maladie d’un côté, publique, et par les mutuelles complémentaires de santé de l’autre, privées (désormais obligatoires), la solution serait de fusionner les deux organisations.
Quelle idée géniale, puisque la Sécurité sociale est en déficit alors que les mutuelles sont en excédent! Le mariage de raison reviendra à combler le trou de la Sécu avec les réserves des mutuelles.
« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » aurait dit ce vieux commissaire Bourrel. Et si le projet ne fait pas l’unanimité, les experts en « fusion » viennent nous expliquer que les coûts de gestion sont en gros de 7 milliards de chaque côté et que le fait de les faire habiter au même endroit fera économiser au système 7 milliards. 7 milliards de synergies.
Mais quelle idée géniale, qui risque de déclencher une guerre atomique parce que les personnels de mutuelles s’opposeront de toute leur force d’influence politique à cette asphyxie programmée. D’autant que cette idée fait fi de tout ce qu’ont apporté les mutuelles dans le fonctionnement du système.
Ces mutuelles professionnelles sont certes obligatoires, mais le choix de la mutuelle est libre et il est fait à l’issue d’un accord entre les salariés et la direction de l’entreprise.
Sur quels critères? Celui de la qualité des prestations de soins et de traitement et le prix de ces prestations qui va commander le montant des cotisations. A noter d’ailleurs, que dans la pratique, la mutuelle offre une carte de ses services et chaque salarié a le choix entre plusieurs cotisations possibles en fonction de ses besoins de couverture sociale.
Parce qu’elles sont en concurrence, les mutuelles font des efforts importants sur les prestations, les services et les soins. C’est grâce à cette concurrence que les réseaux d’opticiens ont été obligés de baisser leur prix de façon importante. Même évolution avec les soins dentaires. Au delà, les mutuelles s’immiscent dans la gestion des cliniques privées et des établissements de soins pour moduler le prix des chambres ou encadrer le prix du service médical.
Il serait temps que les mutuelles rendent public l’effet de leur arrivée sur le marché, sinon elles finiront par se faire manger toute crues. Personne ne croit que le système de santé, chapeauté par l’assurance maladie, soit capable de faire le même travail que les mutuelles.
En bref, la Sécurité sociale a moins besoin de grossir que de s’inspirer des modes de gestion assuranciels.
Et pour aller plus loin, un exemple parfait serait de reprendre l’idée développée par certaines mutuelles pour faire face au défaut de vaccination Covid, qui consisterait à caler les conditions financières sur la nature et l’ampleur des risques portés par l’assuré social. Un peu sur le modèle des assurances automobile ou des assurances crédit aux particuliers que demandent les banques.
La majorité des risques entrent dans le domaine de la solidarité. Ces risques sont imprévisibles, ils doivent évidemment être couverts.
Mais d’autres risques sont au contraire prévisibles. Les risques liés au tabac ou à l’abus d’alcool sont à l’origine de 80 % des cancers du poumons ou des maladies cardiaques. Les risques liés à l’obésité sont également très connus et font l’objet d’observations préventives avec des recommandations alimentaires et des traitements préventifs. Ils ne sont pas toujours respectés.
Dans l’assurance automobile, le bon conducteur, celui qui a eu peu d’accidents, bénéficie d’un bonus. Le mauvais conducteur paie un malus.
Dans l’assurance-crédit, l’emprunteur qui a malheureusement des antécédents médicaux (cancer, par exemple) devra prendre une couverture d’assurance plus élevée. Idem pour celui qui a passé un certain âge, parce que son espérance de vie est courte et sa probabilité de mourir plus vite qu’un jeune est forte. Il ne s’agît pas de pénaliser les seniors, ils ont cotisé toute leur vie. Il s’agit de contrôler leur façon de vivre et d’éliminer les facteurs aggravant de risques.
Bref, la mécanique utilisée dans ces cas-là est une mécanique de base des protocoles d’assurance.
Pour quelles raisons ne pourraient-on pas être plus cléments avec l’assuré qui ne fume, ni ne boit ou celui qui fait l’effort d’entretenir sa santé et de prévenir les maladies?
Pour quelles raisons ne pénaliserions-nous pas celui qui accepte de se mettre en danger (c’est son droit) ou de mettre en danger les autres (ce qui est plus discutable), en refusant un traitement ou un vaccin ? Beaucoup de vaccins ou d’analyses de contrôles périodiques sont déjà obligatoires en France.
La prise en compte de la responsabilité individuelle serait évidemment un facteur clef pour améliorer la gestion des recettes comme celle des dépenses. Plus de prévention, c’est moins de traitement.
On ne voit pas la Sécurité sociale, qui a déjà beaucoup de mal à compter les cartes vitales, vérifier celles qui participent à la fraude de celles qui contribuent à la santé publique. On voit mal la sécurité sociale entrer dans la logique concurrentielle et distribuer les bons et mauvais points à ses assurés sociaux.
Ce que la majorité des mutuelles privées font déjà au sein de l’entreprise. C’est leur métier de base.