Poutine à la présidence de l'ONU : un comble, mais est-ce vraiment le début de la fin?

La majorité des grandes entreprises internationales sont évidemment préoccupées par la progression des idéologies autoritaires mais considèrent que le retard technologique les empêchera de s’imposer.

Une campagne de comm russe

Alors que la Russie vient de prendre la présidence du conseil de sécurité de l’ONU et qu’au même moment, Vladimir Poutine annonce que son pays est désormais en guerre contre l’occident tout entier, on se retrouve avec une gouvernance internationale complètement contradictoire et donc paralysée.

Passons sur cette situation incongrue dans laquelle le président du conseil de sécurité va devoir surveiller le respect du règlement international alors que lui-même est le premier à le transgresser quotidiennement.

Cette gouvernance mise en place à la fin de la deuxième guerre mondiale pour limiter les risques de conflit se retrouve présidée par la Russie qui, depuis plus d’un an, maintenant ne respecte pas la souveraineté de l’Ukraine mais se déclare en guerre avec l’ensemble des grands pays occidentaux qui défendent, au-delà de l’Ukraine, les grands principes qui prévalent au fonctionnement de l’organisation des Nations Unies.

Alors certains analystes nous expliquent que cette présidence russe correspond au règlement intérieur qui s’applique à l’Onu, qu’elle ne servira pas à grand-chose vu qu’elle ne dure qu’un mois.

C’est évidemment vrai sauf qu’en un mois, la Russie va développer une campagne de communication dans le monde pour expliquer que l’Amérique et ses alliés sont les ennemis de tous les autres peuples et que cette communication ne fait que renforcer l’assise des États autoritaires sur leur population et alimente le recul des valeurs de liberté individuelle et démocratiques sur lesquelles les pays occidentaux se sont construits.

Les grandes entreprises internationales sont évidemment inquiètes de cette évolution qui perturbe l’efficacité des économies de marché. Le capitalisme a besoin du respect réciproque des contrats et des accords. Face à des partenaires qui n’adhèrent pas aux contraintes librement négocier, le système peut difficilement perdurer. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec le Russie,l’Iran et même la Chine dont beaucoup d’activités sont désormais blacklistées par l’occident, dans le cadre d’une politique de sanctions qui va à l’encontre des objectifs de libre-échange.

La première réaction du monde économique est de se replier sur ses marchés sécurisés. D’où le rapatriement de certaines fabrications industrielles et la recherche des sécurisations des approvisionnements de composants ou de matières premières stratégiques.

Le plan américain décidé par Joe Biden de IRA   ( Inflation Réduction Act) de 400 Milliards de dollars va dans ce sens-là et commence d’ailleurs à produire des effets.

La deuxième réaction des entreprises expatriées dans des pays à risque est d’essayer d’en sortir dans des conditions qui ne soient pas trop coûteuses.  C’est vrai pour l’agro-alimentaire, (Danone), le luxe (LVMH ) ou la grande distribution comme Auchan. Ou même l’industrie (Renault, Peugeot) et la banque. Et tout ce qui touche à l’énergie.  

Les entreprises allemandes sont beaucoup plus gênées parce que les liens industriels et financiers, le volume des exportations et importations avec ces pays comme la Russie ou la Chine sont essentiels à son modèle de croissance.

Une dépendance à l'Occident

Le problème est très compliqué à gérer parce que le monde des affaires a tendance à penser que les tensions actuelles sont temporaires pour une raison très simple. Les milieux d’affaires ont la conviction que tous ces pays à risque et qui sont gérés par des gouvernances autoritaires et même dictatoriales ont plus besoin de l’Occident capitaliste que l’inverse. L’Occident a certes besoin de matériaux rares, et de débouchés pour allonger ses séries de fabrication et gagner en productivité (donc en pouvoir d’achat), mais il peut s’adapter à un taux de développement plus faible.

L’inverse n’est pas vrai : la grande majorité des pays autoritaires a besoin de maintenir leurs échanges économiques pour tenir les promesses de prospérité qu’ils font à leur peuple.

D’abord, les dirigeants de ces pays peuvent évidemment se maintenir au pouvoir par la force mais d’une façon ou d’une autre, ils doivent aussi de faire accepter par leur peuple qu’ils s’appellent Vladimir Poutine ou Xi Jinping. Alors ils peuvent promettre à leur peuple une histoire, une grandeur, une fierté etc. etc. ; mais ils doivent aussi leur apporter de la prospérité économique. Sans consommation, sans assistance sociale, sans progrès au niveau de l’habitat ou de la santé, ils sont en risque de révolution. Le peuple russe vit dans des conditions matérielles misérables. Le peuple chinois aussi.  

Pour améliorer la situation quotidienne de leurs peuples, ils ont besoin des produits et des services occidentaux. Qu’on le veuille ou non.

Ensuite, faute de produits importés, ces pays peuvent certes décider de développer leur propre modèle de développement. C’est un peu le scénario écrit par Vladimir Poutine qui a choisi un modèle de rente. Il exploite des matières premières (pétrole et gaz), il les vend et achète des produits de consommation à l’extérieur. C’est ce qu’il a fait pendant les 15 dernières années. Sous le coup de sanctions depuis l’affaire de l’Ukraine, il recherche de nouveaux clients pour son pétrole et de nouveaux fournisseurs pour la consommation interne et c’est beaucoup plus difficile.

Moins d'avancées technologiques

Dans le détail de ces modèles sanctionnés, le monde des affaires estime que les pays émergents sont bloqués par le déficit et le retard de technologie. Ils peuvent certes trouver des produits de consommations occidentaux sur les marchés mondiaux. C’est beaucoup plus difficile d’acheter de l’électronique dernier cri. C’est encore beaucoup plus difficile pour ces organisations de créer de toute pièce des centres de recherche et de développement.

L’histoire récente prouve que l’efficacité des modelés économiques ont besoin de l’économie de marché, de la concurrence,  d’une grande liberté individuelle et d’un arsenal juridique qui garantisse le respect des contrats et des engagements, et une lutte contre la corruption qui détruit en permanence les rapports de confiance. Un régime autoritaire, et notamment les dictatures, n’ont aucune de ces caractéristiques. En général, ces États ne sont pas des États de droit, ils ne respectent pas la liberté individuelle, ils n’ont pas de système de régulation ou de contrôle et ils sont minés par la corruption à tous les strates de la société.

Donc pour la majorité des économistes, les dictatures n’ont pas d’avenir dans un monde où le progrès dépend des investissements technologiques.  

Les dirigeants le savent bien. Ils gouvernent en condamnant publiquement les modèles occidentaux sauf que dès qu'ils le peuvent, ils profitent de tous les avantages des systèmes capitalistes à titre personnel ou familiale si possible à l’abri de leur peuple qui lui reste dans la misère.  Les oligarques russes ou chinois possèdent des résidences en Occident, installent leurs familles à Paris, à Londres ou à New York et inscrivent leurs enfants dans les meilleures universités du monde.  C’est sans doute que le modèle de vie occidental ne doit pas être aussi insupportable ou dépravé que ce que raconte le président de fédération de Russie qui préside le conseil de sécurité de l’ONU à Washington.

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