Présidentielle très inquiétante si le scrutin est dominé par les partis anti-système
Les chefs d’entreprises vont massivement voter pour Emmanuel Macron, mais ça ne changera rien : le pays sera ingouvernable parce que plus 2 Français sur 3 vont voter pour des candidats et des partis politiques anti-système.

En 1974, en pleine crise pétrolière, Valery Giscard D’Estaing rêvait d’une France dont la gouvernance aurait été assurée et soutenue par 2 Français sur 3. C’était son ambition, son projet que de réunir dans une même coalition, tous ceux qui, sur l’échiquier politique, pensent qu’une responsabilité gouvernementale doit être efficace. Ça devait regrouper la droite libérale dont il était issu, une gauche très sociale-démocrate en passant évidemment par un centre très large et attrape-tout. VGE a sans doute contribué à réformer la France mais n’a pas gagné son pari puisque les Français ne l’ont pas reconduit pour un second mandat, préférant confier les clefs de la maison à François Mitterrand qui, lui, a réussi à faire deux mandats, bien aidés par la cohabitation dont on a découvert qu’elle était une forme de respiration à une démocratie qui peut être sclérosante.
On a beaucoup comparé Emmanuel Macron à Valery Giscard d’Estaing. La jeunesse, la modernité dans la forme, la pratique de l’anglais, le cursus universitaire, l’ambition, le gout de la performance. Un peu comme Giscard, Emmanuel Macron a pensé qu’on pouvait gouverner un pays sur le seul critère de l’efficacité économique et sociale. Aucune des deux n’avait tort, certes, l’entreprise France a besoin de résultat, c’est une condition nécessaire pour réussir, mais pas suffisante. L’entreprise France a aussi besoin que tout le monde soit d’accord sur les valeurs qui fondent la cohésion sociale et sur les moyens mobilisés.
Giscard pensait qu’il pourrait réunir tout le monde sur son logiciel, fondé sur un accord politique et un compromis politique. Macron, lui, a pensé qu’on pouvait faire du « en même temps » c’est-à-dire qu’on pouvait être à la fois de gauche et de droite. Le premier mandat ne fut pas de tout repos.
Selon toute vraisemblance, il va réussir à s’engager pour un deuxième mandat, ce que n’avait pas réussi à faire VGE. Mais paradoxalement, il ne sera élu que par moins d’un tiers des inscrits.
Si on en croit les sondages, plus des deux tiers des Français sont prêts à voter pour des responsables politiques qui sont, non seulement anti-Macron, mais qui se retrouvent à la tête de formations politiques anti-système. Lesquelles ne s’entendent pas et sont même très antagonistes. Leur point commun, c’est d’être contre le système politique de la démocratie libérale et évidemment opposés au système d’économie de marché et du capitalisme libéral.
Si on additionne les abstentionnistes, les Français qui se retrouvent dans les formations d’extrême droite, les courants de Le Pen ou Zemmour, ou les Français qui sont à l’extrême gauche, entre les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et du parti communisme auxquels il faut ajouter les écologistes déclarés, et aussi tous ceux qui se sont opposés au pass sanitaires ou aux vaccins, on s’aperçoit que la base électorale d’Emmanuel Macron sera très, très étroite.
Parce que tous les opposants à Macron sont à la fois anti-capitalistes, anti-croissance, antimondialistes, très souverainistes, anti-américains et contre l’Europe ... contre la croissance etc.
Pour les milieux d’affaires, et notamment les chefs d’entreprises, cette situation porte le risque d’avoir un pays ingouvernable, parce que ces 2 Français sur 3 sont englués dans la haine de l’élite, l’ignorance de la vérité scientifique, et très souvent, la frustration, parce que la plupart d’entre eux veulent néanmoins bénéficier des avantages de la modernité, être protégés par la solidarité et vivre dans la sécurité.
Alors à qui la faute et comment en sortir ? On touche là au problème qui affecte beaucoup de sociétés démocraties occidentales.
Dans ce groupe des anti-systèmes, on trouve des courants comme la France insoumise qui prône officiellement la fin du système capitaliste, et son remplacement par un système collectiviste et étatique géré dans le cadre d’une 6e république. Des communistes nostalgiques des organisations marxistes et planificatrices. On trouve les derniers socialistes qui rabâchent leurs critiques contre l’économie de marché mondialisée sans avoir jamais su proposer une alternative.
On trouve une majorité d’écologistes qui considèrent que le ralentissement de la croissance et par conséquent de la consommation seraient le remède clef pour lutter contre le réchauffement climatique. A droite ou à l’extrême droite, on rêve d’une société souveraine, protégée par des frontières hermétiques et régie par des régimes plus ou moins autoritaires.
Cette France anti-système ne reconnaît pas les avantages d’une Europe plus solidaire, d’une croissance plus forte créatrice de richesse, et sans doute pas d’industrie nucléaire alors qu’elle apporterait quand même une réponse aux besoins en électricité, à un prix compétitif dans des conditions décarbonées, en s’affranchissant des approvisionnements en gaz et pétrole.
La conjonction entre tous ces partisans d’un autre monde que celui dans lequel nous vivons est très inquiétante, parce qu’elle n’offre pas de visibilité. Elle ne devrait pas empêcher Emmanuel Macron d’être réélu, mais elle n'annonce pas l'émergence d’une sociale-démocratie ou même d’une composante libérale qui pourrait construire un programme de gouvernement responsable et alternatif...