Prix de l’essence : l’Amérique de Joe Biden sera plus efficace que la ristourne de Castex.

Alors que Jean Castex promet une ristourne de 15 centimes par litre au 1er avril, les pétroliers américains préparent une augmentation de la production qui va très vite amener le prix du baril sous les 100 dollars, soit 35 centimes de moins à la pompe.

Alors que le Premier ministre Jean Castex venait à peine d’annoncer que le gouvernement allait octroyer une ristourne de 15 centimes sur le litre de carburant à la pompe le 1er avril et pour 4 mois, le marché mondial du pétrole a, sans attendre, mis en place des conditions de régulation de la hausse des prix à la production. C’est Joe Biden, le président américain, qui a donné le signal d’une remontée spectaculaire des capacités de production de brut, lesquelles permettraient de faire tomber le prix en dessous de 100 dollars le baril, ce qui baisserait le prix du litre à la pompe de 35 centimes. Michel-Édouard Leclerc a d’ailleurs laissé entendre que les conditions de marché devraient lui permettre d’appliquer cette baisse sur le gazole dès cette semaine. Et pas seulement dans les enseignes Leclerc mais dans tous les réseaux.

Du côté du gouvernement, on essuie depuis le week end un certain nombre de sarcasmes à propos de cette initiative qui sera applicable au 1er avril et qui n’a pourtant rien d’un poisson d’avril. L’opposition politique ne se prive pas de soupçonner le gouvernement de tomber dans l’électoralisme primaire, puisqu’on ne sera qu’à quelques jours du premier tour de la présidentielle... que n’aurait-t-on pas dit si face à cette flambée des prix, le gouvernement n’avait strictement rien fait?

Bref, 15 centimes par litre pendant 4 mois sera toujours bon à prendre. La procédure est un peu compliquée à mettre en place. Il s’agit d’une ristourne calculée à la caisse et remboursée à la compagnie par l’Etat.  Tout le monde pourra en bénéficier, particuliers et entreprises. Mais elle n’aurait pas été plus simple si on était passé par une baisse des taxes, puisqu’il aurait fallu une loi, donc une discussion au parlement etc.

Dans l’immédiat, le gouvernement va autoriser les revalorisations de prix dans certaines activités très touchées,  comme les taxis et les VTC. Le transport routier ou les marins pêcheurs, le BTP, les agriculteurs.

Mais le gouvernement attend surtout que les groupes pétroliers fassent un geste supplémentaire ... et les conditions de marché laissent penser qu‘elles pourront faire ce geste.

Tout se met en place cette semaine pour que l’offre de pétrole brut s’élargisse dans des proportions très importantes et dès lundi, les marchés financiers en ont tiré les leçons en se redressant assez fortement.

Le changement vient des États-Unis où, depuis dix jours, face au risque de crise économique mondiale liée à la guerre en Ukraine, le président américain s’est résolu à changer la politique d’approvisionnement en énergie. D’abord, il a restauré un dialogue constructif avec l’Arabie saoudite pour qu’elle consente à ouvrir un peu plus les vannes. Ensuite, il a engagé un dialogue plus pacifiste avec le Venezuela pour re-signer des accords de livraison avec cette dictature d’Amérique du Sud que les États Unis ne voulaient plus fréquenter. Or, le Venezuela a urgemment besoin d'argent et personne n’a oublié que le pays était posé sur les plus grandes réserves de pétrole du monde.

Enfin, dernière initiative de Biden, autoriser et encourager la réouverture de puits de pétrole sur le sol américain. Dallas et son univers impitoyable décrit dans une des plus célèbres séries télévisées vont re-devenir à la mode.

Politiquement, Joe Biden prend le risque d’énerver les écolos, mais essaie d’éviter une crise économique et sociale, qui lui couterait beaucoup plus cher lors des élections à mi-mandat l’année prochaine. Le nombre de forages en fonctionnement va augmenter de 25 %.

La production américaine, qui était de 11 millions de baril/ jour à fin décembre 2021, augmentera à 12 millions de baril /jour en 2022 pour atteindre les 13 millions de baril/jour en 2023.

Cette politique nouvelle va permettre à l’Amérique de redevenir le premier producteur de pétrole au monde devant l’Arabie Saoudite.

Au moment où l’Europe des 27 prenait l’engagement de tout faire pour s’affranchir des approvisionnements russes en gaz et en pétrole dans les 5 ans qui viennent, les États-unis s’organisaient, eux, à pouvoir offrir une solution alternative dès 2023.

Ce switch-là va obliger l’Europe à s’équiper de terminaux portuaires pour traiter le gaz liquide et le décarboner au maximum, mais ne doit pas l'exonérer d’investissements en production d’énergies nucléaire et naturelle. Et même en sécurisant des sources d’approvisionnement du côté du Maghreb ou de l’Afrique. La France n’est pas loin de son indépendance à l’égard du gaz russe, mais l’Allemagne et tous les pays à l’est de l’Europe, qui sont dépendants à 100 % de la Russie, vont donc se tourner vers leurs partenaires de l’Ouest.

Cette nouvelle géopolitique de l’énergie a été accueillie à bras ouverts par les marchés financiers et boursiers. Quant à la Russie, à moins de jouer la politique du pire, elle va devoir amorcer une velléité de négocier avant d’avoir perdu ses débouchés, si toutefois elle veut les garder. Sauf que la Russie, sans que Moscou s’en soit aperçu, va se retrouver complètement isolée au niveau international.