Quel est le vrai cout de la grève ? Que ce soit les perdants ou les gagnants, personne n’a intérêt à dire la vérité.

Compliqué d’évaluer l’incidence de la grève, d’autant que ceux qui mesurent le coût de la grève ne sont pas toujours neutres et objectifs. Les opposants à la grève ont intérêt à charger la barque. Les partisans, eux, ont souvent intérêt à surévaluer les avantages acquis d’un conflit. 

La grève va couter moins cher que ce qu‘on raconte. Alors que la grève donne des signes d’essoufflement, on assiste à une bataille de chiffres sur l’évaluation du cout ou de l’incidence de cette grève sur l’économie en général. Cette évaluation est importante parce qu’elle commande en partie ce qui va se passer cette semaine. On sent bien que face à la lassitude, ceux qui font la grève (le taux de grévistes baisse de jour en jour) de ceux qui souffrent directement du conflit, et même de l’opinion publique qui soutient le mouvement plus dans son objectif politique que dans ses modalités, on sent bien que les organisations syndicales et politiques qui sont en pointe dans ce conflit (CGT et France insoumise) font un forcing pour élargir le conflit aux autres secteurs (énergie notamment) et aux entreprises privées (mais là, sans grand succès). Il s’agit donc d’accroitre le pouvoir de perturbation de l’économie en général et d’en augmenter le cout pour faire céder le gouvernement. 

Dans ce bras de fer, le cout global, le prix payé par les uns et par les autres est une composante des rapports de force en présence. 

 

1ère évaluation macro-économique : la grève aura très peu d’impact. Contrairement à beaucoup de chiffres qui circulent, le cout global de cette grève sur l’ensemble de l’économie française n’est pas énorme : entre 500 et 1 milliard d’euros sur le PIB. Soit 0,1% sur l’année. C’est très peu (beaucoup moins que la marge d’erreur). Le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a d’ailleurs reconnu que les grèves contre la réforme des retraites ne devraient pas tirer la croissance vers le bas.  Il campe sur une hypothèse de 1,3 % de croissance en 2019 et 2020.

Les mouvements des gilets jaunes auparavant n’avaient guère pesé sur les agrégats macro-économiques. D’autant que le chèque signé par Emmanuel Macron pour éteindre l’incendie s’est retrouvé en consommation pour une bonne moitié. L’autre moitié est allée se réfugier sur les comptes d’épargne de précaution. Preuve que les Français n’avaient pas totalement confiance dans la thérapie. 

 

2e évaluation : les coûts directs de la grève sont plus faciles à enregistrer. Depuis le 5 décembre, la SNCF a remboursé 1,4 million de voyageurs au guichet ou sur internet pour des voyages qui avaient été payés et non délivrés. La Sncf a évalué un manque à gagner de plus de 600 millions d'euros. Compte tenu des clients à rembourser et du chiffre d'affaires en moins avec les billets non réservés, le conflit coûte 20 millions d'euros par jour à la SNCF, soit 620 millions d'euros depuis le début de la grève. Pour Jean-Pierre Farandou, le patron du groupe "les comptes 2019 seront fortement impactés par ce conflit.

À la RATP, le manque à gagner s'élève à 3 millions d'euros par jour, soit 93 millions. Il va d’ailleurs falloir rembourser les Pass Navigo en intégralité.

Alors à coté de la SNCF qui perd 20 millions par jour et de la RATP qui perd donc 3 millions par jour, il faudra connaître exactement le manque à gagner par les commerçants de centre ville touchés par la grève des transports. 

Les hôteliers parisiens estiment qu’ils ont perdu entre 30 et 60 % de leurs clients (donc entre 30 et 60% chiffre d’affaires en moins), pendant le mois de décembre. Les restaurateurs qui travaillent dans le périmètre des grandes gares sont eux sinistrés. Leur chiffre a baissé de 90 %. Les commerces de centre-villes qui font à Noël une grande partie leur chiffre d’affaires de l’année à cette époque sont évidemment perdants. Ne parlons pas de l’opéra où la grève aurait couté plus de 20 millions d’euros, tout ça pour protéger en moyenne 2 danseurs par an qui partent à la retraite. On est dans la caricature.

 

3e A coté des perdants, il y a des gagnants. Paradoxe de ce type de situation, le consommateur réagit forcément en pariant sur les solutions alternatives, location de vélos et autres trottinettes, Blablacar qui a fait un mois exceptionnel et surtout, les VTC, Uber en tête qui en a profité pour augmenter ses prix (ce qui au passage n’a pas amélioré son image) et les cars et les avions lignes intérieures.

A méditer dans les cortèges de manifestants par les militants de la France insoumise ou les écologistes, les plus grands gagnants de la grève en France sont aujourd’hui toutes les formes de e-commerce et d’abord Amazon, les centres commerciaux à la périphérie des villes, l’automobile individuelle et l’avion. Bref, de là à penser que la grève est un formidable vecteur d’émissions de gaz à effets de serre, de CO2, il n’y a qu’un pas. 

 

3e évaluation : les coûts d’opportunité liés à la réformeIl s’agit là de savoir si la sortie de crise, qui se soldera forcément par un compromis, ne va pas coûter à l’Etat beaucoup plus cher que le fonctionnement du système actuel. Le système par répartition a tous les défauts du monde (régimes spéciaux, etc…) mais la seule difficulté était de répondre à un déséquilibre lié à la démographie. Ce qu’on a toujours fait en retardant sans le dire, l’âge de départ à la retraite... 

L’application d’un régime par points va entrainer la nécessaire compensation pour ceux qui vont perdre leur régime spécial. Dans la santé, l’Education nationale et dans la plupart des transports publics, il faudra revaloriser les salaires et réviser les conditions de travail. 

Cette question va être l’objet principal des négociations en cours pour débloquer la situation. Ces négociations sont incontournables, et le plus curieux dans toute cette affaire, c’est que le gouvernement se soit embarqué dans ce projet ambitieux sans s’inquiéter de ce qu’il couterait véritablement. 

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