REF 2022 : Bruno Le Maire annonce la réforme prochaine du marché européen de l’électricité
Dans le contexte de la crise énergétique, Bruno Le Maire a voulu rassurer les chefs d’entreprise, mais la mesure la plus spectaculaire sera d’obtenir la réforme du marché commun de l’électricité.

L’électricité à plus de 1000 euros le MWH va devenir insupportable et faire exploser les systèmes de production et infecter tous les barèmes de prix.
La guerre en Ukraine a provoqué une crise de l’approvisionnement en gaz et en pétrole en détraquant les prix, mais cette inflation importée a révélé le caractère complètement ubuesque du mode de calcul du prix de l’électricité. Pour les Français, c’est incompréhensible d’avoir à payer le MWH plus de 1000 euros et d’envisager à plus ou moins brève échéance des augmentations à 4000 ou 5000 euros si l’hiver prochain est rude.
Que le Gaz ou le Pétrole augmentent, tout le monde comprend. L’offre est restreinte pour des raisons politiques par la Russie ou par les pays producteurs alliés à la Russie. Et la demande reste très importante. Résultat : les prix montent et vont monter encore plus, au fur et à mesure que la Russie va fermer ses robinets. Les prix cesseront de monter quand les pays consommateurs auront trouvé des ressources alternatives, ce qui, pour le gaz ne sera pas facile à mettre en œuvre rapidement.
Donc sur le Gaz, on comprend, on ne peut que s’en prendre qu’à l’Allemagne qui s’est mise dans une dépendance totale des approvisionnements russes.
Mais sur l’électricité, dans un pays comme la France qui a été historiquement championne du monde de l’industrie nucléaire, qui s’est targuée d’avoir organiser une indépendance à l’égard des autres sources d’énergie, on a du mal à comprendre pourquoi et comment on en est arrivé à ne pas avoir assez d’électricité pour se nourrir dans tous les sens du terme, avec en prime un prix astronomique.
Dans les années 1980, on avait l’énergie la moins chère du monde. Aujourd’hui, on réussit l’exploit d’en avoir une parmi les plus chères.
La semaine dernière, les prix de gros pour 2023 ont donc grimpé à plus de 1000 euros. Il y a moins d’un an, le même mégawatt heure tournait aux alentours de 80 euros, avec des creux de vague à 50 euros.
Alors, comment explique-t-on cette flambée en moins d’un an?
Factuellement, c’est très simple :
1-la guerre en Ukraine a diminué les approvisionnements de gaz. Beaucoup de centrales électriques qui fonctionnaient au gaz ont dû s’arrêter.
2-la France, historiquement gros producteur d’électricité, a été obligée de mettre 32 réacteurs sur 56 à l’arrêt, pour cause de risque de corrosion. D’où la nécessité de réparer les centrales. Ça va demander du temps.
3-nos voisins européens sont également touchés par la raréfaction de gaz, d’où la raréfaction de l’électricité.
Cela dit, à coté de ces facteurs techniques qui jouent sur l’équilibre entre l’offre et la demande, le mécanisme de fixation des prix européens est tel qu’il impacte le prix final par rapport au brut. Pourquoi ? Parce que pour faciliter l’existence d’une Europe de l’énergie, on retient comme prix, le prix marginal le plus élevé en Europe.
Le marché de l’électricité ne fonctionne pas comme un marché normal où on s’échange des stocks. Le marché de l’électricité porte sur des flux à plus ou moins brève échéance. Donc les prix impactent les capacités de production.
Le marché fonctionne selon le système de l’ordre du mérite. C’est Marcel Boiteux qui avait conceptualisé ce système qui se justifie au niveau national. Pour qu’une entreprise accepte de produire de l’électricité, il faut que ça soit rentable. Il faut donc que le cout marginal du dernier MWH produit soit rentable. Or, le cout marginal est différent selon les sources de fabrication. Il est très faible pour les énergies renouvelables, moyen pour le nucléaire, et très élevé pour les énergies fossiles. Ce qui est le cas actuellement
Quand la demande est faible, le cout marginal est faible, c’est bien pour le nucléaire et l’éolien. Si la demande est forte, le cout marginal est élevé.
Actuellement, l’offre est restreinte (à cause du gaz) ce qui booste le cout marginal.
C’est la raison pour laquelle le prix de l’électricité, calé sur le cout marginal lui-même calé sur celui de la dernière source utilisée (marginale, en l’occurrence le gaz), est indexé sur le prix du Gaz.
Cette formule qui fonctionnait correctement en période de calme régulier, est devenue insupportable aux consommateurs qui pourraient bénéficier d’un prix faible mais qui doivent supporter le prix marginal à l’échelle européenne.
C’est donc ce mécanisme-là qui sera réformé et qui permettra à la France d’avoir un prix de l’électricité plus raisonnable. Le cout moyen de son Énergie nucléaire est faible. Beaucoup plus faible que le cout marginal de l’électricité allemande produite à base de Gaz.
Le système européen a été installé pour deux raisons : il permettait de construire une Europe de l’énergie avec un prix unique ou presque, en facilitant les interconnexions et en éliminant les risques de ruptures d’approvisionnement.
Si on revient à des prix classiques, on va prendre le risque de créer des déséquilibres à l’intérieur de l’Europe. Et par conséquent, des risques de ruptures.
Cela dit, un pays comme la France, qui a eu l’avantage de s’équiper en nucléaire peut profiter de cet avantage-prix. C’est un avantage de compétitivité qui lui permettrait de passer des accords à long terme avec ses voisins à des prix attractifs.
Pour l’Allemagne ça ne serait pas forcément une belle affaire parce que, faute de gaz, ses prix ont flambé et les courants politiques ont du mal à tomber sous la dépendance d’une électricité nucléaire étrangère. Il se sont brûlés avec les Russes. La leçon a été entendue.
Pour la première fois depuis plus d’un an, la présidente de la Commission européenne a accepté l’idée de préparer une réforme du mode de formation du prix de l’électricité. Le 9 septembre prochain, les ministres de l’énergie européens se réuniront pour discuter de cette réforme. Hier, à la REF, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, a confirmé que les efforts de la France n’avaient pas été vains.
L’avantage pour la France est évident, son cout marginal est le plus intéressant grâce à son industrie nucléaire. L’inconvénient pour la France, c’est que son parc de centrale nucléaire n’est pas d’une modernité assourdissante.