Retraite : 3 raisons de réfromer que personne ne veut expliquer

Personne ne sait ce qu’il arrivera à la réforme des retraites à l’issue de cette journée de blocage. Ce que l’on sait, c’est qu’il y a des vraies raisons à réformer le système et que le gouvernement n’a pas osé, au départ, les expliquer clairement.
Un effort de toutes les strates
Personne ne peut croire qu’un gouvernement, quel qu’il soit, engage une réforme douloureuse pour « emmerder » les Français. Il peut y avoir des raisons politiques ou idéologiques mais si ces réformes vont à l’encontre de la réalité, elles sont généralement abandonnées quand la preuve est faite qu’elle entraine plus de difficultés que d’avantages. Les exemples existent. Sur le nucléaire par exemple, on a mis une dizaine d’années à reconnaitre que la décision d’abandonner l’industrie du nucléaire avait été une erreur stratégique par rapport aux besoins. Et plus grave, elle ne correspondait pas aux objectifs qu’on s’était donné pour « sauver la planète » en fonctionnant avec des énergies alternatives et décarbonées. Sur la décision d’interdire la vente de voitures thermiques à partir de 2035, on vient de s’apercevoir que la mesure serait inapplicable et provoquerait une catastrophe industrielle et sociale si on imposait la voiture électrique. Résultat: A l’image de l’Allemagne, tous les pays européens finiront par annuler cet impératif.
Sur les retraites, on assiste au même phénomène. Depuis vingt ans, on se retrouve obligé de réformer le système de fonctionnement des retraites parce qu’on a rarement le courage de prendre en compte les réalités des raisons pour lesquelles le système est bancal. La réalité s’impose et risque de démolir le système.
Aujourd’hui, le gouvernement a engagé une réforme qui doit reculer l’âge de départ à la retraite, ce qui nécessite un effort important dans toutes les strates de la population. Sans en expliquer les vraies raisons. Le mur de la réalité est incontournable comme souvent.
Protéger le système par répartition
Il existe trois raisons pour lesquelles une réforme du système des retraites est incontournable.
La première est démographique. L’équilibre du système de retraite dépend du rapport entre les actifs (ceux qui travaillent) et les inactifs (ceux qui sont à la retraite). Il y a de moins en moins d’actifs pour de plus en plus d’inactifs. Du coup, les recettes de cotisations ne sont pas suffisantes pour garantir le paiement des pensions.
Alors on a sans doute épuisé toutes les variables comptables pour ajuster le système. On ne peut plus augmenter les cotisations (parce qu’elles pèsent sur le coût du travail) ; on ne peut pas réduire les pensions parce que politiquement, ça revient à pénaliser ceux qui sont à la retraite.
La seule solution est donc d’allonger la durée pendant laquelle on va travailler au prorata de l’allongement de l’espérance de vie. Seul moyen d’augmenter les moyens financiers à redistribuer. Alors, on peut, en marge, aménager des dispositifs spécifiques pour tenir compte de la pénibilité ou du travail des femmes. Mais c’est un autre sujet. A priori, la retraite n’est pas faite pour corriger les inégalités sociales ou professionnelles. Il y a d’autres outils pour cela.
La deuxième raison, protéger la retraite par répartition. Question de principe politique mais pas que. Le système qui est le nôtre est un système assuranciel conjugué par des éléments de solidarité. C’est un système qui est au cœur de l’ADN du modèle social français. Il existe d’autres formules pour gérer la retraite et notamment des formules de capitalisation. Ces formules reposent sur un principe simple : chacun fabrique sa retraite selon ses moyens et ses objectifs. En bref, chacun constitue sa propre épargne-retraite. Alors la généralisation de la capitalisation serait compliquée parce que beaucoup de salariés n’ont pas les moyens de se constituer une épargne-retraite et donc un système par capitalisation serait générateur d’inégalités. Cela dit, la retraite par capitalisation existe déjà en complément du régime de base par répartition. Les fonctionnaires ont mis en place une capitalisation. Les plus riches, pour leur part, peuvent aussi ouvrir une assurance-vie et compte tenu des montants drainés, ils ne s’en privent pas. N’empêche que la capitalisation est portée par une logique d’individualisation du retraité, à l’opposé de la logique d’équité ou de solidarité de la répartition.
Un problème de financement
La troisième raison de faire cette réforme porte sur la nécessité de rassurer les milieux financiers internationaux. La France est endettée pour son fonctionnement quotidien. La France emprunte tous les mois quelques 50 milliards d’euros auprès des épargnants étrangers pour faire ses fins de mois et payer ses fonctionnaires ou les frais de son modèle social.
La France emprunte cet argent dans des pays européens où les systèmes de retraites ont retardé l’âge de départ à plus de 65 ans, voir 67 ou 70 ans. Difficile dans ces conditions, de trouver des financements dans des pays qui font un effort d’équilibre que nous refuserons de faire.
Donc ça n’est pas seulement le financement de la retraite qui en jeu dans cette réforme, c’est le financement de tout le système économique français. Si on veut continuer d’emprunter de l’argent sur les marchés internationaux, nous devons apporter la preuve que nous serions capables de redresser nos finances publiques.
Cette 3e raison est la plus compliquée à avouer parce qu’elle souligne avec force notre problème global de financement.
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