Retraite, clap de fin : le compromis va creuser un gouffre financier et précipiter les salariés du privé dans la capitalisation

Le gouvernement a tellement cédé sur son projet initial, uniquement pour ramener le calme dans la rue, que la facture globale va être exorbitante. Effet collatéral, les salariés du privé vont se replier sur la capitalisation pour sécuriser leur retraite. 

Le gouvernement va sans doute réussir à ramener le calme dans la rue et faire redémarrer les transports publics. Il aura fait le maximum de concessions pour cela. Ce projet de loi va avoir deux conséquences. D’un côté, Il va protéger et privilégier les personnels de la fonction publique. De l’autre, il va précipiter les salariés du secteur privé dans les bras de la capitalisation. Faute de pétrole du côté de la répartition universelle, il faudra bien avoir des idées du côté de la capitalisation individuelle ou professionnelle. 

 

1er point , 1ère conséquence directe. Tout le monde a compris très vite que les moteurs de la grève se trouvaient être en majorité les troupes qui bénéficient de régimes spéciaux dans les transports publics, la santé, l’enseignement. Ce sont eux qui se sont battus pour protéger leurs avantages et entrainer la plupart des autres salariés dans un soutien au mouvement de protestation en faisant croire que l’ensemble du système était menacé. Le gouvernement s’y est très mal pris. La défense des régimes spéciaux était légitime dans la mesure où leurs bénéficiaires ont signé des contrats en entrant dans la vie active et que ces contrats ne pouvaient pas être déchirés 

La solution la plus responsable eut été de racheter ces rentes héritées du passé et offrir aux nouveaux arrivants un système rénové qu’ils pouvaient accepter ou pas, mais en toute connaissance de cause.  

Au lieu d’entreprendre cette transformation qui aurait déjà été couteuse, le gouvernement a finalement accepté de remplacer les régimes spéciaux qu'il voulait supprimer (des cheminots aux petits rat de l'opéra) par la prise en compte de particularités spécifiques aux professions. 

Pourquoi pas ? Mais le gouvernement a ainsi ouvert une boite de Pandore où le maximum de salariés va pouvoir s’engouffrer. 

La chasse aux particularismes va tourner à la chasse au trésor. Dans bien des cas, cet ajustement du système de retraite va passer par une révision des grilles de traitement.

Certaines révisions vont être bénéfiques et corriger des inégalités de trainement que les retraites ne compensaient pas totalement.  
Dans l’enseignement par exemple, les personnels bénéficiaient de conditions de retraite très favorables (âge de départ et calcul de la pension sur les dernières années de traitement). Toute l’Education nationale savait que le régime spécifique de la retraite servait de justification ou de compensation à des salaires très médiocres. Ce qui était lamentable pour le système éducatif qui a besoin de gens de qualité, donc très bien payés. 

Le projet de réforme va entrainer une revalorisation des rémunérations et des carrières des enseignants au niveau de ce qui existe dans les grands pays. C’est très bien, cette opération va attirer des compétences que l'Education nationale ne pouvait plus se payer. 
C’est très bien mais ça va couter une fortune au budget. D’autant qu’il n’est pas dit que le gouvernement ait la force de résister aux syndicats d’enseignants pour en même temps, supprimer les avantages précédents (de l’âge notamment). On va assister à une même opération de transition dans la plupart des secteurs de la fonction publique. 

L‘ambition de construire l’universalité des retraites va entrainer par la prise en compte une enveloppe budgétaire obèse.

Les premiers calculs estiment le surcout à 50 ou 80 milliards d’euros par an. Le prix du beurre, de l’argent du beurre et de la crème et... du reste. 

Alors ça n’est pas de l’argent inutile, c’est un investissement qui, dans le cas de l’Education nationale, va offrir une opportunité de changement considérable, mais actuellement ce sera financé par de la dette. Forcément, alors si la dette ne coûte rien, ça passe. Mais le jour où la dette retrouve ses esprits, tout casse. 

 

2e point, les conséquences induites. Les salariés du privé vont sans doute faire valoir que la pénibilité dans l‘exercice de leur travail mériterait une attention particulière, mais de là à accepter de créer un régime spécial ou particulier, il n’en sera pas question. La seule issue pour sécuriser leur retraite sera de passer la porte des régimes par capitalisation. A noter que les fonctionnaires eux-mêmes ont la Prefon, qui n’est rien d’autre qu’un régime de retraite complémentaire par capitalisation avec cotisations volontaires.

Les cadres supérieurs ou dirigeants à plus de 10 000 euros par mois ont en général dans leur entreprise accès à des systèmes de retraite par capitalisation. Ils cotisent selon l’effort d’épargne qu‘ils acceptent, leurs entreprises abondent pour eux (c’est un avantage imposable très souvent), cet argent est géré sous le contrôle du comité d’entreprise par une société d’assurance qui donne ces fonds à des gérants d’actifs (comme BlackRock pourquoi pas). 

Dans la situation actuelle, les salariés plus modestes auront eux aussi tout intérêt à souscrire des PER, les plans d’épargne retraite ou des contrats d’assurance retraite. 

En bref, les syndicats qui ont combattu la réforme par points ont réussi ce tour de force à faire échouer le gouvernement et créer les conditions d’un développement de la capitalisation. Les syndicats se gardent les privilèges et mettent les salariés dans l’obligation de trouver des solutions à titre individuel. Quand on n’a plus le pétrole de la répartition, on va trouver des idées dans la capitalisation.  Ça n’était pas forcément l’objectif de départ, mais après tout c’est pas plus mal. 

 

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