Retraite : Et si la CFDT détenait la clé de tous ces blocages ?

Le projet de réforme des retraites est devenu cette semaine incompréhensible. Tout le monde est piégé : le gouvernement, le parlement et les syndicats. L’issue ne peut venir que du gouvernement ou des syndicats, et certains ont des plans.

La solution ne peut venir que du gouvernement et des syndicats

Le débat parlementaire a tourné cette semaine à la pagaille honteuse de laquelle personne ne sait comment et dans quel état, les protagonistes en sortiront. Grace aux excès cacophoniques et vulgaires de la Nupes, grâce aussi aux divagations de la majorité et à l’embarras des députés de LR, la classe politique est en train de se déconsidérer.

Les syndicats d’un coté, le monde des affaires de l’autre souhaitent que cette situation cesse au plus vite.

Le spectacle de l’Assemblée nationale alimente une piètre impression sur le fonctionnement de la démocratie à un moment où elle est mise en cause dans beaucoup de pays. Par ailleurs, cette vulnérabilité ne contribue pas à garantir une stabilité dont le pays aurait bien besoin pour assumer les incertitudes venant de la situation économique et géopolitique. Tout le monde craint que les courants les plus radicaux et violents de la société ne profitent de cette situation pour accroitre la pression de la rue.

Tout le monde est piégé dans cette affaire. Au parlement, les députés ont fait une croix sur la possibilité d’avoir une discussion sereine qui permettrait d’accoucher d’un texte applicable et utile. Alors qu’il n’y a aucune solution alternative en préparation dans les rangs des députés, le projet en discussion est devenu complètement incompréhensible.

La solution ne peut venir que du gouvernement et des syndicats.

Le gouvernement n’aura pas beaucoup d’autres solutions que de faire passer son projet en force, ce que lui permet la Constitution mais qui hypothèque sérieusement sa crédibilité. Le gouvernement pourrait aussi retirer purement et simplement le projet mais c’est pour le président très difficile à gérer.

Parce qu’il doit bien protéger sa capacité d’agir dans la suite du quinquennat.  Il lui faut absolument envoyer des signaux de sérieux aux marchés financiers pour qu’ils acceptent de continuer à financer les déficits publics, parce que les besoins de financement seront considérables (dépenses sociales et surtout dépenses liées à la transition écologique). Mais tout est possible, y compris de relancer l’écriture d’un projet de réforme complémentaire sur la base des projets avancés par les syndicats. L’intérêt du gouvernement est aussi de ne pas étouffer le retour des syndicats dans le dialogue social parce qu’il peut en avoir besoin.

Laurent Berger, homme de la réforme systémique

Du côté des syndicats, on constate que la stratégie choisie a permis de contenir les manifestations dans un cadre de calme et de sérénité qui protègent les processus démocratiques. Ils sont redevenus des interlocuteurs responsables. Ceci dit,  ils doivent protéger et renforcer leur rôle de partenaires s’ils veulent restaurer et recouvrer la confiance des salariés. En dehors des syndicats très radicaux et très minoritaires, en dehors de la CGT qui est à la veille de se doter d’une nouvelle gouvernance, la balle est surtout dans le camp de la CFDT avec un Laurent Berger qui n’a sans doute pas abandonné son propre projet de réforme. C’est d’ailleurs le seul dans la classe politique et sociale à avoir construit une solution alternative puisqu‘il avait déjà essayé de la « vendre » au début du premier quinquennat.

Son objectif est bien évidemment de protéger le régime par répartition et ce faisant, le rôle des syndicats comme cogérants du modèle social français, mais à la condition que le système soit équilibré et tienne compte des contraintes qui sont incontournables. Sinon la cogérance retombe dans les mains du gouvernement convoqué pour boucher les trous.

Laurent Berger n’a jamais caché sa préférence pour une réforme systémique qui permette de tenir compte des mutations qu'on ne peut pas ignorer : la démographie, l’évolution technologique etc. .

Le système de retraite doit donc permettre de créer plus de travail c’est vrai, mais il ne peut pas résoudre toutes les questions sans l’apport d’un droit du travail.

La retraite est un système d’assurance et une logique d’assurance ne peut pas corriger toutes les inégalités liées à la pénibilité du travail, à la situation des seniors ou des femmes. Toutes ces contraintes relèvent de la solidarité et donc de la politique sociale de l’État ou alors de négociations entre les partenaires sociaux.

Pour sortir du piège dans lequel tout le monde est tombé, Laurent Berger ne relancera pas la polémique si le projet est voté au parlement. Il l’a dit publiquement. Mais il est évident qu’il ressortira rapidement le projet de retraite par points. C’est-à-dire un système qui transfert beaucoup de responsabilités aux assurés sociaux et même une individualisation des retraites.

Concrètement :

un premier étage universel, retraite de base minimum obligatoire. Un deuxième étage composé de complémentaires sur le modèle de gestion de l’Agirc/ Arrco qui fonctionne très bien mais ou les modalités de la retraite sont liées aux décisions individuelles ou négociées par branche ou entreprise.  

Faire la pédagogie du système par points

La CFDT n’a jamais été partisane de fixer un âge légal de la retraite. La CFDT préfère un nombre d’annuités de cotisations, ou de points accumulés au cours d’une carrière. Le système Agirc -Arcco revient à un système par points et il fonctionne correctement.

Le modèle, c’est évidemment l’assurance automobile. Une assurance obligatoire minimum avec des options, des bonus et des malus selon son comportement et sa responsabilité.

C’est plus efficace, plus performant, et surement plus facile à expliquer que le système proposé actuellement.

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