Retraite : les points de blocage et les lignes rouges, ce qui peut bouger

Tout va se jouer en coulisses. Les émissaires de Matignon et les chefs syndicaux vont travailler à trouver un compromis qui permette de sortir une réforme acceptable par tous. Le gouvernement a encore un peu de marge, et les syndicats veulent prouver qu’ils sont responsables.
Encore dix jours….
Le gouvernement veut prouver qu’il est capable de faire passer une réforme du système des retraite sans braquer complètement l’opinion publique. Sachant que l’opinion publique reste politiquement hostile à l’exécutif, mais estime dans sa majorité qu’il faut bien sécuriser le système de retraite par répartition, le gouvernement a quelques marges de manœuvre pour amender son projet et le faire passer au parlement.
D’autant que si les syndicats ont réussi à mobiliser une part non négligeable de l’opinion, ils n’ont pas soufflé sur les braises pour enflammer le corps social.
La journée de jeudi a montré que l’union syndicale pouvait mobiliser beaucoup de monde et éviter les dérives violentes. Les commentaires d’après « manifs » étaient plutôt mesurés.
Cela dit, tout le monde sait que le nombre de ceux qui, en France, sont en âge de travailler est de 30 millions… Et que plus de la moitié des manifestants sont des fonctionnaires. C’est-à-dire une catégorie de personnel qui bénéficie d’avantages particuliers, notamment sur les retraites et ils sont intouchables. Donc, avec 1,5 million de manifestants en France, on est encore loin d’une situation prérévolutionnaire.
Sur le fond, les syndicats vont devoir prouver à leurs adhérents qu’ils sont maintenant capables de négocier et d’arracher des avancées sociales.
La mobilisation s’est cristallisée sur un seul mot d’ordre partagé par tous les syndicaux : le recul à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Le mot d’ordre était d’autant plus fort qu’il est très symbolique et très simple à comprendre. Cela dit, il y a, dans la réforme, des points tout aussi importants mais moins spectaculaires qu’on va pouvoir modifier.
Pour le gouvernement, l’âge de 64 ans est très symbolique, ce qui veut dire que le gouvernement n’y touchera pas, sinon il serait taxé d’avoir échoué. Mais le gouvernement peut au-delà, de cet âge tabou, accepter des assouplissements sur les points où il lui reste des marges de manœuvre.
Trois points de négociations
Les points sur lesquels le gouvernement et les syndicats peuvent s’entendre, après avoir faire semblant de négocier « très durement » sont (sans doute) plus socio-économiques que politiques.
1e la hausse du minimum vieillesse à 1200 euros nets qui, dans le projet, paraissait réservée aux nouveaux retraités pourraient être élargie à tous les retraités sans condition de durée de cotisation préalable. Ça passerait pour une avancée sociale très forte pour les syndicats et politiquement très intéressante pour la majorité.
2e ) le travail des seniors. C’est le maillon faible de la réforme Macron. Plus de la moitié des seniors de 55 ans sont au chômage en attendant l’âge de la retraite. Le gouvernement pourrait engager une grande politique en faveur du travail des seniors, en proposant des incitations financières et fiscales et des obligations, notamment dans les grandes entreprises.
3e ) point : les financements. Le gouvernement s’était interdit de toucher aux moyens de financement. Il peut imposer aux grandes entreprises une majoration très infime (1% pas plus) de la cotisation vieillesse. Le Medef sera vent debout mais bien obligé d’accepter. Quand les chefs d’entreprises feront leur compte, ils s’apercevront qu’ils pourront faire glisser une petite partie de ce qu’ils paient aux complémentaires privées pour financer l’assurance retraite. Bref, il y a de la marge.
Et encore beaucoup de flou
Pour le reste, la question de la durée de cotisation, la question des carrières longues et de la mesure de la pénibilité, il faut se demander si on a besoin de nouvelles normes étatiques, de lois et de de règlements, ou alors partir du principe que ces régulations relèvent surtout de l’organisation interne de l’entreprise ou de la négociation sociale dans le cadre de la gestion paritaire. Tout ce qui peut être donné aux syndicats dans la gestion de l’application ne ferait que renforcer leur influence et leur crédibilité.
Si tout se passe comme prévu désormais, le gouvernement aura réussi à faire passer une réforme du système de retraite qui ne paraitra pas très ambitieuse, mais qui amène la pédagogie nécessaire pour comprendre le système par répartition. Le gouvernement a plus envie d’en protéger le mécanisme que de le laisser s’autodétruire.
Les syndicats, qui ont gagné une première manche avec l’organisation d’une manifestation unitaire, peuvent retrouver une chance d’être écouté et respecté. Donc une chance d’exister sur l’échiquier politique et social.
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