Retraites : le gouvernement maintient son projet de faire main basse sur les réserves de l’Agirc-Arrco
Le projet de réforme des retraites cache en fait un véritable hold-up sur les réserves de l’AGIRC et de l’ARRCO, puisque le gouvernement va confier à l’État, via l’URSSAF, le produit des cotisations de retraite complémentaire des salariés du privé.

Alors que la classe politique, a embarqué les médias et l’opinion, dans un débat sans fin sur l’Age de la retraite et l’avenir des régimes spéciaux, le gouvernement a maintenu sans bruit son projet de confier à l’Urssaf c’est-à-dire à l’État, le soin de recouvrir et de gérer les cotisations complémentaires des salariés du privé (environ 90 milliards par ans. Mais au-delà un total d’engagement de 3200 milliards d’euros.
Il s’agit bien d’un holdup up puisque le gouvernement va ainsi procéder à l’étatisation d’un système qui était en équilibre depuis 75 ans géré des partenaires sociaux et qui marchait. C’était quelque part le cœur du modèle social français fonde sur le paritarisme.
Parce que si notre système de retraites par repartions est en danger, il est fragilisé dans tous ses rouages de fonctionnement. Partout, sauf au niveau des complémentaires obligatoires du privé.
Le débat sur l’Age de départ est légitime mais compte tenu de l’allongement de l’esperance de vie et des progrès de la science, ce débat est plié. Il faudra accepter le recul de l’Age de départ à 65 ans. Sauf pour les catégories de personnels qui ont des activités particulièrement pénibles mais là le débat est gérable au niveau des entreprises.
L’autre point chaud du débat porte sur l’avenir des régimes spéciaux, mais là encore le maintien d’avantages accordés à certaines catégories ne se justifie plus. La clause du « grand père » fera que la réforme ne s’appliquera qu’aux nouveaux entrants sans le secteur qui seront, eux, soumis au droit commun. Les particularités d’un métier qui se traduisaient par une retraite particulière, seront prises en compte au niveau du contrat de travail dans les modalités de l’organisation du travail et des rémunérations.
Tous ces débats ont finalement occulté la question de la gestion et du recouvrement des cotisations retraites et notamment le recouvrement dans les systèmes complémentaires obligatoires à la charge de l’AGIRC et de l’Arcco.
Sur ce point tres technique, le gouvernement va donc maintenir son projet d’étatisation
Alerté dès le début des discussions, le Parlement s’était emparé du débat sur l’intérêt de confier à l’État (via l’Urssaf) le paiement des cotisations de retraite complémentaire de tous les salariés du privé (l’Agirc-Arrco), mais le gouvernement a fait la sourde oreille et a choisi finalement de stopper la discussion lundi dernier, le 21 novembre en utilisant le 49.3.
Sans bruit, il a donc décidé, dans la version quasi définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, d’imposer son projet d’étatisation du « recouvrement » des cotisations des salariés (et des entreprises) du privé en imposant l’Urssaf comme intermédiaire obligé.
Or cette question-là ne répond ni au consensus politique, ni aux contraintes économiques Plus grave le projet est porteur d’un risque grave sur l’équilibre des financements non seulement des retraites mais de tout le système économique ;
Les partenaires sociaux, syndicats de patrons et de salaries qui pilotent l’Agirc-Arrco ont pourtant rappelé haut et fort que le système était à l’équilibre depuis 75 ans. Ils ont donc fait le job. Ils sont tous opposés à cette affaire. Des députés de tous les groupes politiques (celui du gouvernement y compris) ont demandé que cette mesure soit abrogée, une majorité écrasante de sénateurs (302 contre 28…) s’est élevée contre ce projet, mais rien n’y a fait.
Le gouvernement aurait tres bien pu en effet modifier le texte qui posait problème, d’autant que l’Agirc-Arco est culturellement une organisation de négociation : ce régime paritaire est fondé sur sa capacité à trouver des compromis financiers et sociaux pour assurer la stabilité de notre société, qui est moins une affaire de pouvoir que d’équilibre social.
Au total, les engagements de l’Agirc-Arrco vis-à-vis des salariés du privé dépassent les 3,200 milliards €, c’est plus que le PIB de la France, bien plus que ce qu’un gouvernement devrait pouvoir modifier sans un large consensus social…Parce que l Agirc et l’Arco assurent le recouvrement mais aussi le paiement des pensions et s’arrangent pour que l’argent nécessaire soit disponible. Et depuis 75 ans, les pensions ont été payées.
Accessoirement, l’argent de l Agirc et l’Arcco est aussi investi dans l’économie via la bourse et les fonds de pension. Cet argent travaille et donne du travail a tout le pays. C’est l’un des rouages les plus important avec les assurances vie, du financement de l’économie et des entreprises .
Cette transformation majeure qui va consister pour l’État à s’assurer du contrôle des finances de l’Agirc-Arrco, deviendra irréversible. Les entreprises auront pour seul interlocuteur l’Urssaf, les cotisations retraite passeront par son canal unique pour se déverser dans un pot commun. Il sera impossible à terme de distinguer ce qui ressort d’une cotisation « contributive » à un régime qui verse entre 30 et 60% de la retraite des salariés du privé, du financement global d’un régime de base, quasi égal pour tous.
En clair, on va ponctionner les réserves de l’Agirc et de l’Arcco pour éviter une faillite du régime général.
C’est d’autant plus étonnant que l’Agirc-Arrco contribue déjà à la solidarité indispensable d’un dispositif de protection sociale, en finançant par exemple les cotisations retraite que n’ont pas pu payer les millions de salariés en chômage temporaire pendant la crise sanitaire.
Cette idée d’étatisation n’est évidemment pas nouvelle.
Une loi portant ce « transfert » avait déjà été votée en 2019 pour mettre en place un régime universel de retraite. Ce projet a été abandonné, mais l’État n’a pas renoncé pour autant à centraliser ce qu’il a pourtant le plus grand mal à gérer. Ce transfert a été retardé à plusieurs reprises, mais il arrivera désormais à échéance en 2024, dans une année.
Il ne reste plus maintenant que le débat sur la réforme des retraites – sans doute entre décembre et mars 2023 – pour discuter une dernière fois de ce sujet à 90 milliards € par an. Lorsque le financement de la réforme des retraites sera sur la table, il sera peut-être possible de se demander si « réformer » doit consister à casser ce qui fonctionnait bien, plutôt que de s’intéresser à ce qui ne fonctionne pas…