Situation incroyable : un nombre d’offres d’emplois record, mais ces offres ne trouvent pas preneurs, même en CDI

Incompréhensible et très inquiétant : plus d’un million d’offres d’emplois en France aujourd’hui, mais la moitié ne trouve pas preneur, d’où un chômage et un taux de non-emploi qui reste très élevé. Cherchez l’erreur.
La situation de l’emploi en France n’a jamais été aussi paradoxale et insoluble à court terme. D’un côté, la violence de la reprise économique, depuis quelques mois, a boosté le nombre d’offres d’emplois qui n’a jamais été aussi élevé, mais les entreprises ne trouvent pas de candidats, d’où le reveil des syndicats qui ont commencé à monter au créneau avec des revendications de salaires. Les responsables politiques y voient-là un argument de campagne présidentielle.
Sauf que les spécialistes de l’emploi disent aussi qu’il y a un déficit structurel de formation, qu’il y a même un socle de « Need », c’est à dire de jeunes de moins de 30 ans qui sont complètement incasables, parce qu’ils n’ont jamais travaillé, jamais été à l’école ou en formation.
Enfin, certains estiment que la générosité du système social (ou son laxisme) n’encourage pas ceux qui pourraient travailler à le faire. La période de confinement et le télétravail ont multiplié le nombre de ceux qui voudraient une forme de vie différente de celle qu’ils avaient avant. D’où la proportion de ceux qui ont purement et simplement abandonné leur travail et qui ont disparu, sauf des listes des bénéficiaires d’allocations sociales.
La situation française va donc devenir très compliquée. Le redémarrage de l’économie risque de buter sur cette difficulté de trouver des personnels (dans le bâtiment, la restauration, l’hôtellerie et tous les services), mais qu’en sera-t-il quand on aura lancé tous les investissements liés à la mutations digitale et énergétique ? On a tout ce qu’il faut en France pour aborder cette mutation mondiale : on a les chefs d’orchestre, les compositeurs et les instruments de musique, on a l’argent et les clients, mais on n’a pas les musiciens pour jouer. La fosse d’orchestre est à moitié vide.
Le site de pole-emploi.fr, qui regroupe maintenant toutes les propositions de recrutement récentes, enregistre, certains jours, plus d’un million d’offres d’emplois disponibles alors qu’habituellement, les offres d’emplois avoisinaient plutôt les 700 000.
Sauf que plus de la moitié de ces offres ne trouve absolument pas de candidat. C’est le socle d’offres qu’on retrouve tous les jours depuis trois mois, mais ce qui est surréaliste, c’est que parallèlement, on a encore plus de 3 millions de chômeurs, soit 10% de la population en âge de travailler.
Tous ces chiffres montrent bien que le marché du travail n’a pas été sinistré par la crise du Covid et les aides de l’Etat ont permis d’éviter une catastrophe économique et une vague de faillites et de licenciements.
Mais tous ces chiffres démontrent, avec la crise, que le pays est en proie à un déficit de compétence et (peut-être) de motivation au travail. Les offres d’emplois sont sans réponse, parce que les candidats n’ont pas la formation adéquate ou alors n’ont simplement plus envie de travailler.
Le déficit de compétence est évident. On le sait, depuis des années mais le sujet a été tabou très longtemps. Il existe près de 2,5 millions de Français de moins de 30 ans en général, la plupart ne sont même plus inscrits au chômage mais touchent quand même le RSA. Ces gens-là sont sans doute perdus pour le travail. Ils n’ont aucune formation, ni éducation, beaucoup même ne savent ni lire, ni écrire, ni compter (mais c’est plus rare). D’où la campagne contre l’illettrisme que le gouvernement projette de lancer très vite.
Le déficit de formation et de compétence est tout aussi flagrant mais il va demander un nouvel effort conjoint de l'éducation nationale, des organismes de formation et surtout des entreprises elles-mêmes. Le digital et la lutte pour le climat ont ouvert des milliers d’emplois nouveaux qui n’existaient pas il y a dix ans et pour lesquels on n’a pas ouvert les filières en temps utile et en quantités.
Enfin, la crise du Covid a révélé un déficit de motivation au travail dont le système politico-social n’a pas évalué correctement les causes et l’ampleur.
Ce déficit de motivation au travail entraine un découragement à mobiliser beaucoup de grandes entreprises, dont les services de DRH sont parfaitement conscients et font ce qu’ils peuvent pour ramener au travail, leur effectif et pour fidéliser leurs salariés.
Au niveau des syndicats et des responsables politiques, on a très vite conclu à la nécessité de revendiquer des hausses de salaires. Pour beaucoup de dirigeants, le diagnostic est simple : « si les entreprises ne trouvent pas à embaucher, c’est parce que les salaires ne sont pas assez élevés ». D’où les propositions de la CGT et de FO de manifester pour une amélioration du pouvoir d’achat.
Sur le terrain politique, Arnaud Montebourg rejoint Marine Le Pen pour réclamer des hausses de salaires et débloquer ainsi le système d’embauches.
Sur le plan économique, il existe des métiers en tension qui peuvent supporter des hausses de salaires, notamment dans le digital. L’enjeu est tellement important que les entreprises paient. La productivité et la croissance du marché digital permettent de digérer ces hausses.
Mais dans beaucoup de secteurs, les hausses de salaires ne passent pas et mettent en risque l’équilibre de l’entreprise parce que leur marché n’acceptera pas les hausses de prix. Par conséquent, ce type de hausses de salaires se répercute sur la demande, qui provoque une hausse de prix ou un appel d’air du côté des importations des pays à bas cout. Ajoutons à cela que si on cherche à réinstaller une industrie en France, la meilleure solution pour inciter les investisseurs n’est pas de promettre une augmentation de salaires de 10 % ou alors pour être cohérent, il faudrait parallèlement organiser une baisse égale des charges sociales. Compte tenu de l’endettement des budget sociaux, ça paraît difficilement possible.