Trop d'Etat tue l'Etat : contraint et forcé, l'Etat va devoir maigrir

L’échec sur les retraites et la crise de l’inflation a réveillé les contrepouvoirs économiques et sociaux qui vont repousser un État sans argent, ni moyens politiques sur les domaines strictement régaliens.

Les syndicats vont se revoir

Les faits politiques, les chiffres du budget et les contraintes économiques et sociales ont d’ores et déjà engendré un début de réforme de l’organisation du fonctionnement de l’État. Et cette réforme ne pourra se traduire dans la pratique que par un recul des compétences étatiques sur les domaines régaliens, au profit des contrepouvoirs socio-économiques et des acteurs de la sphère privée.

Cette semaine, par exemple, on a vu l’ensemble des pouvoirs syndicaux s’entendre pour engager des négociations post-retraite sans attendre l’agenda ou même la convocation du gouvernement. A peine les manifestations du premier mai avaient-elles éteint les feux de la colère publique que l’intersyndicale réaffirmait son « unité », tout en reconnaissant les différences d’approche.  Parallèlement, les trois leaders des organisations patronales (le Medef, la CGPME et l’U2P)  proposaient à leurs homologue syndicaux une rencontre pour décider ensemble les dossiers à traiter dans les futures négociations. Et pas seulement sur les retraites mais surtout sur toutes les questions concernant la qualité de vie au travail, les salaires, le partage de la valeur. L’objectif de cette démarche est de relancer le fonctionnement du paritarisme sans se laisser imposer des décisions par le gouvernement, comme ça a été le cas avec les retraites.

L'Etat ne peut pas tout

Cette semaine encore, alors que les chiffres de l’inflation ne sont pas bons, on a vu producteurs et distributeurs reprendre le dialogue pour comprendre les raisons qui font que les prix aux détail ne baissent pas alors que les prix des matières premières et de l’énergie se sont contractés. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ne peut pas s‘opposer à de tels dialogues, lui, qui faute d’accord, a toujours été obligé pendant cette crise de prendre les choses en main pour amortir les effets explosifs de la hausse des prix. Son administration n’a pas cessé depuis que la guerre en Ukraine a démarré d’inventer des outils pour répondre à la demande politique qui n’ont pas eu plus d’effets qu’un cachet d’aspirine avec des effets collatéraux pervers. Si les partenaires de la chaine de valeur prennent les choses en main, ce sera tout bénéfice pour tout le monde. Y compris pour l’État qui a peut-être autre chose à faire qu’à éplucher les comptes d’exploitation des entreprises.

Ces initiatives sont très importantes parce qu’elles annoncent un changement de paradigme qui signifie que l’État ne peut pas tout faire et doit laisser le privé s’occuper de ses affaires. L’Etat n’a pas le choix  parce qu’il court à la paralysie. Il n’a plus de marges financières. Ses dépenses publiques et sociales sont trop lourdes  et son endettement va devenir problématique. Comme il n’a pas de majorité politique, il ne peut pas trouver les recettes fiscales nouvelles.

Cette transformation qui s’accompagne d’un transfert de pouvoir ne pourra fonctionner qu’à trois conditions.

3 conditions

La première sera que les partenaires sociaux prennent et assument leurs responsabilités et se convertissent à la culture du compromis. La négociation et la réforme ne peuvent produire des effets pour tous, que si et seulement si  on arrive à un compromis. Le secret du modèle allemand est dans cette capacité à signer des accords. L’écosystème français aura du mal à se plier à cette discipline, en dehors de la CFDT parce que dès le premier conflit, les partenaires sociaux se retournent vers l’État pour qu’il trouve une solution budgétaire. C’est ce qui se passe dans le modèle social français. Il est certes très généreux mais c’est le contribuable qui paie.

La deuxième condition sera de protéger et même de renforcer les modalités de la concurrence qui s’avèrent plus efficaces que la règlementation pour atteindre l’optimum. Les relations entre producteurs et distributeurs sont très perverses. Ils font jouer la concurrence quand ça les arrange mais sollicite l’intervention de l’État au nom de la protection du consommateur quand le jeu de la concurrence les perturbent.  C’est vrai pour les producteurs et les industriels de l’agro-alimentaire, c’est aussi vrai entre et avec les grands distributeurs. Ça pourrait l’être chez les consommateurs qui ont en théorie le pouvoir de vie et de mort d’un produit.

Les poussées inflationnistes sont très souvent importées de l’extérieur et difficiles à amortir, mais elles sont aussi alimentées ou protégées par le déficit de concurrence. Il va falloir se souvenir que la concurrence est l’arme de dissuasion massive de la hausse des prix et le moyen de générer du progrès.  

La troisième condition serait que l’État abandonne un certain nombre d’initiatives et délègue au secteur privé beaucoup plus de missions que l’administration a préemptées. Ce transfert dépend évidemment de l’initiative politique qui doit organiser ce repliement sur les domaines régaliens. La défense nationale, l’intérieur, la justice, la solidarité. Dans le secteur public de la santé, de l’éducation ou des transports, la cohabitation public /privé mériterait d’être mieux réglementée en laissant plus de place à la concurrence entre le secteur public et le secteur privé. L’expérience nous prouve que tout changement, toute réforme est d’autant mieux acceptée que la majorité y trouve son intérêt.

L’Etat, c’est comme l’impôt. Trop d’État tue l’État. L’État va donc être contraint de maigrir pour mieux se porter. Le problème dans tout ce qui touche à l’Etat, c’est qu’en général, les fonctionnaires s’opposent au changement.  

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