Trump et l’accord commercial : sa grande victoire de fin de mandat ? L’Amérique s’en sort très bien. Pour les Chinois, ça va être plus compliqué.

La Chine et les Etats-Unis ont donc signé un premier accord qui doit contribuer à mettre fin à une guerre commerciale qui a fait peur à tout le monde mais qui, en réalité, n’a jamais fait de ravages sérieux, surtout pour les Américains. Pour les Chinois, c’est différent. Ils vont, quoiqu’il arrive, devoir changer de logiciel.



La cérémonie de signature a été retransmise hier sur les grandes chaines américaines et internationales. Donald Trump évoque un événement historique, un accord mutuel, profitable "à la Chine, aux Etats-Unis, au monde entier". Mais hier aussi, hasard du calendrier, les Démocrates ont fait en sorte que Donald Trump ait la victoire modeste. Eux qui dirigent la Chambre des Représentants ont organisé la session de vote de la procédure d’impeachment, et la diffusion de la cérémonie de signature sino-américaine a donc été interrompue.
Cet accord promis mille fois et mille fois retardé ou annulé organise pourtant la désescalade des tensions qui ont pu préoccuper les investisseurs du monde entier depuis des mois.
L’Amérique ne s’en sort pas mal. La situation des entreprises américaines, l’emploi et la bourse sont désormais sur des plus hauts historiques. Alors que les entreprises annoncent en ce moment-même leurs résultats 2019, les banques américaines dépassent toutes les attentes, les indices boursiers n’ont jamais été aussi hauts et franchissent chaque jour de nouveaux records. Suite à l’accord, la croissance de la première économie du monde pourrait encore augmenter d'un demi-point.
La Chine, elle, a pour sa part plus de difficultés parce que la multiplication des avertissements et des menaces de Donald Trump ont fini par déstabiliser le modèle chinois, basé sur les exportations. Le pays se retrouve obligé de chercher sa croissance sur son marché intérieur qui n’est pas forcément très vigoureux, ce qui peut à terme lui poser des problèmes d’équilibre politique.
On sait qu’il s’agit d’un accord partiel, c’est-à-dire que ni les Etats-Unis ni la Chine n’ont obtenu tout ce qu’ils espéraient et vont donc continuer de négocier. Sans entrer dans le détail, la Chine et les Etats-Unis ont réussi à s’entendre sur une détente des droits de douane – même si certains restent en place pour avoir « une carte en main pour négocier », mais surtout, des achats réciproques dans les secteurs agricoles ou industriels.
Washington a dit à plusieurs reprises avoir obtenu des avancées pour une meilleure ouverture du marché chinois – et depuis la semaine dernière, les banques étrangères sont autorisées à s’implanter dans le pays sans s’associer à un partenaire chinois. Et si la propriété intellectuelle est abordée dans l’accord, on ignore encore si elle sera sérieusement protégée. Dans la pratique, il faudra que les Chinois tiennent leur engagement de mettre en place des controles et “un système juridique complet”, comme dit dans le texte de l’accord.
L’économie américaine n’a pas trop souffert de cette escalade, sauf peut-être dans l’agroalimentaire, parce que pour le reste, les taxes à l’importation ont été assez bien amorties ou diluées par les consommateurs. Il faut dire que Donald Trump a été très attentif à ce que les consommateurs américains, qui sont au cœur de son électorat, ne soient pas touchés. Les augmentations des prix des produits de luxe n’ont pas ému les chômeurs du Middle West. L’industrie automobile n‘a pas été impactée, pas plus que l’industrie du digital. Seuls les producteurs agricoles ont pris peur, ce que le président a bien compris. Il a donc sifflé la fin de conflit.
Il l’a fait d’autant plus volontiers que la Chine était obligée d’agir. L’économie chinoise a pris une claque. Elle va devoir changer de logiciel et se retourner vers la consommation intérieure. La Chine s’est engagée à importer plus de produits américains, notamment agricoles. Une façon pour Pékin d’ouvrir ses marchés intérieurs, de libérer la consommation et d’accepter des hausses de pouvoir d’achat. Cette configuration aura des effets nouveaux. Si la hausse des salaires accroit la consommation individuelle, elle crée aussi des appétits de liberté individuelle que le pouvoir a encore du mal à gérer.