Un an de Macron : tous les indicateurs sont au vert. Tous sauf un, celui de la compétitivité. Or, c’est le cœur du projet, la clef du redressement durable.

Les milieux d’affaires n‘en parlent guère mais ils s’en préoccupent un peu. L’économie française n‘a toujours pas amélioré sa compétitivité face à ses concurrents.
Le déficit de compétitivité était au cœur du diagnostic établi par Emmanuel Macron. Ce diagnostic était partagé par une grande majorité des analystes, des économistes et de beaucoup de chefs d’entreprise.
Ce déficit de compétitivité traduisait une difficulté pour l'appareil de production à affronter la concurrence étrangère.Les produits et les services conçus, produits et fabriqués par des entreprises extérieures sont plus attractifs pour les consommateurs français. D’où le déficit commercial abyssal, d’où l’ampleur des importations et la faiblesse des exportations.En clair, le revenu distribué en France allait plutôt vers des fournisseurs extérieurs que chez nous. D’où la faiblesse de notre croissance et surtout un chômage de masse qui touchait les 10% de la population active.
Pour réduire ces dysfonctionnements, Emmanuel Macron a établi un programme de redressement de l'appareil de production en prévoyant d’agir à la fois sur la compétitivité coût (salaires et charges trop élevés), sur la productivité (produire plus et mieux pour le même prix) et surtout sur la compétitivité hors coût,c’est à dire sur la nature des produits et services offerts, sur l’innovation.
Cette politique de l’offre avait déjà été amorcée sous le quinquennat précédent puisque Manuel Valls avait lancé le CICE (choc de compétitivité) et démarré la réduction de quelques fiscalités décidément trop pénalisantes.
Emmanuel Macron a très vite et dès le départ de son mandat lancé des mesures de conjoncture et des réformes de structures : réforme du travail pour plus de flexibilité, réforme de la fiscalité pour attirer les investisseurs et protéger les entreprises, réforme de la formation, réforme d’un certain nombre d’institutions publiques (SNCF par exemple) et surtout, il a maintenu la pression sur les salaires (fonction publique) et sur le cout du travail en baissant les charges.
Toutes ces réformes ont été menées tambour battant, parfois dans la grogne et dans la rogne, mais encore au bout d’un an, avec le soutien de l’opinion des français qui espèrent que ça produira des résultats.
Au bout d’un an, c’est vrai un certain nombre de résultats sont au rendez vous, la croissance est meilleure, l‘activité est plus dynamique, des secteurs tout entiers tournent à plein régime, comme l’automobile et le bâtiment.
La consommation s’est redressée, et les investissements des entreprises se sont relevés au niveau de ce qu‘ils étaient avant la crise. Sur l’emploi, le taux de chômage est orienté à la baisse pour approcher désormais les 8% avec des secteurs proches du plein emploi (le bâtiment, les travaux publics, l’informatique et le tourisme)
Alors, tous les indicateurs sont au vert, avec en prime une image de la France très améliorée, tous les indicateurs sauf un, celui de la balance commerciale qui reste déficitaire, ce qui marque la persistance de ce déficit de compétitivité. Puisque quand la consommation et l’investissement repartent en France, ils repartent au profit des fournisseurs étrangers. Allemands, britanniques, et surtout asiatiques.
Il y a donc quelque chose qui ne fonctionne pas dans le logiciel d’offre qui a été actionné.
Ce déficit de compétitivité peut venir de trois sources.
-Le montant des charges sur salaires, mais ça n’est pas la cause première d’autant que dès la rentrée, les entreprises vont encore bénéficier de nouveaux allègements.
-Une pénurie de main d’œuvre adaptée aux besoins. Exemple, le bâtiment et le tourisme ont des offres d’emplois qu’ils ne trouvent pas à satisfaire. Ce décalage là ne pourra se réduire que par la formation et la qualification (ce qui va demander un peu de temps) ou par l’immigration choisie (ce qui est un peu compliqué politiquement actuellement)
Pour ce qui est des emplois de services qui ne sont pas pourvus, on constate que la générosité du système d’aides sociales peut ne pas être très encourageante à la recherche d’emplois. Spécialement quand les emplois ne sont guère qualifiés et peu considérés.
Cela dit, le déficit de compétitivité se situe dans notre déficit de productivité (question d’organisation) et surtout déficit d’innovation dans le produit. Le dynamisme du secteur français du luxe, s’explique par la formidable qualité et l’originalité des produits et accessoires produits sous la marque et avec le savoir faire français. Ces produits de luxe ne se vendent pas bien parce qu’ils sont moins chers.
Idem pour les voitures allemandes de haut de gamme, si le monde entier achète des Audi, des Mercedes et des Porsche, ce n’est évidemment pas parce que ces voitures allemandes sont moins chères.
Le problème de la maison France est donc d’élever en gamme beaucoup de ses produits et services, de son agro alimentaire au transport aérien.
Ça passe par des innovations permanentes, par de l’imagination commerciale, et par un état d’esprit. La France a vécu trop longtemps sous l'emprise des logiques de la demande chère à JM Keynes. Il va falloir se résoudre à l’évidence, dans un marché mondialisé et concurrentiel comme il ne l’a jamais été, le seul moyen de s’en sortir sera d’appliquer les recettes de Schumpeter. Dans un pays encore colbertiste, avec un Etat hyper présent, dont les fonctionnaires ont souvent l’arrogance d’avoir trop souvent raison sur les entrepreneurs, ça va être compliqué.
Le poids de la fonction publique, le poids des dépenses publiques, c’est une muraille à laquelle Emmanuel Macron ne s’est pas encore attaqué. C’est sans doute sa principale erreur.
